Nous nous permettons de republier, cette-fois-ci sous forme d’article, le dernier commentaire du « photographe accompagnateur » Jean-François Collignon. Ce commentaire avait été initialement écrit en réponse au témoignage « Oser dévoiler ses rondeurs » publié par Colette. Jean-François nous partage dans cette intervention l’essentiel de sa réflexion sur le rôle de l’artiste ou photographe face au modèle qui vient « OSER défier ses incertitudes, ouvrir ses verrous, porter sa nudité… » Nous invitons bien sûr les autres artistes ainsi que les modèles à livrer leurs propres réflexions et commentaires sur le même sujet.

En accompagnement de cet article, nous publions deux photos de Jean-François témoignant de la démarche spécifique que certaines personnes entreprennent au travers de la pose nue.

La première photo est celle d’une maman de 5 enfants qui voulait poser nue car elle voulait faire état des marques laissées par ses maternités successives.

La deuxième image témoigne de la démarche de « reconstruction » au moyen de la pose nue d’une femme qui avait été battue enfant, au point d’en garder d’impressionnantes cicatrices. Jean-François a choisi cette photo pour le message affirmatif qu’elle transmet, avec un regard qui semble dire : « Voilà, j’y suis arrivée, je me dévoile à vous !»

Nous cédons la parole à Jean-François :

Bonjour tout le monde,

Merci pour ce beau témoignage (Oser dévoiler ses rondeurs) qui démontre, à nouveau, que poser nue est accessible à toute personne qui le désire et OSE franchir ce mur qui se dresse devant lui (et bien sûr, elle).

Le physique, en ce qui me concerne, ne peut en aucun cas être un critère d’exclusion de qui que ce soit à la pose nue. Je tiens, par ailleurs, cette vision par ma pratique du naturisme.

Tout un chacun a le droit à l’épanouissement qu’il souhaite et si celui-ci doit passer, en tout ou en partie par la pose nue, ne fusse qu’une seule fois, il nous appartient à nous, artistes, de lui offrir cette possibilité. Et certainement pas de lui fermer la porte au nez.

Comme Colette l’explique, permettons à celles et ceux qui veulent tenter l’expérience d’y aller à leur rythme, selon l’évolution de leurs pensées, pas de la notre. J’aime lire, en ce qui me concerne, que je suis qualifié de photographe accompagnateur. Le terme est juste, soyons des artistes accompagnateurs.

Notre rôle premier est bien là : accompagner la personne dans sa démarche lorsqu’elle vient vers nous. Et un accompagnateur n’est pas un prêcheur, un professeur, un conseilleur. Il est avant tout un écouteur du pourquoi et du comment des choses !

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« 5 fois maman…»

Et il n’est en rien un voyeur, un profiteur, un abuseur de la « faiblesse » de la personne qui vient vers lui pour passer le mur de cette nudité tant redoutée. Il devient, en plus d’être un accompagnateur, un réalisateur et aussi un traducteur.

Sortons quelques instants du sujet. Lorsque j’étais jeune photographe, un jeune couple qui allait se marier est venu me trouver car il y avait un MAIS ! Le coût du reportage photographique du mariage et de l’album. A écouter ce couple m’expliquer ce problème, je me suis dit, tout simplement et en français dans le texte : c’est dégueulasse, ils ne peuvent aboutir à leur rêve pour une question d’argent !

J’ai réalisé leur rêve : je n’ai rien demandé pour le temps passer au reportage de mariage. J’ai facturé le coût de l’album et des photos à prix coûtant !

Mon bonheur ? Ce fut le merci qui venait si profondément du cœur lorsqu’ils ont regardé leur album de mariage.

En prime, je leurs ai offert un agrandissement de la plus belle photo d’eux deux, encadrée. Cette photo, aux dernières nouvelles, trône encore sur la cheminée de leur salon, après autant d’année.

Il est là, le bonheur de l’artiste.

Et attention au fait que nous ne sommes pas des thérapeutes! Nous ne sommes que des artistes. La modèle vient chercher quelque chose. D’accord. Nous ne sommes sa solution qu’en l’accompagnant dans sa démarche mais certainement pas en la guérissant par une quelconque méthode. Seule peut se guérir intérieurement la personne en allant au-devant d’elle, au-devant, oui, de ses incertitudes ou verrous.

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« Voilà, j’y suis arrivée, je me dévoile à vous! »

Mais ce que je retire de ce témoignage, c’est l’attitude de l’artiste à l’égard de sa modèle. C’est cette attitude qui fera que la modèle franchira ou non ce mur imposant, vertigineux.

Et la première attitude, au-delà de la chaleur de l’accueil, de la prévenance est bien celle de la compréhension et de la patience.

Colette a aussi raison lorsqu’elle déclare que chaque personne est complètement unique. C’est là toute la dimension (j’ose dire le charme) de la pose nue lorsque l’on se trouve du côté de l’artiste. C’est celle qui va permettre à l’artiste, attentif, de la traduire en son œuvre ! C’est en cela que j’ai employé il y a un instant le terme « traducteur ».

C’est là, pour l’artiste que je suis, que se trouve la vraie dimension. Le physique de la modèle ne pouvant être qu’un critère secondaire pour l’artiste. En fait, il l’est au principal pour la modèle qui vient OSER défier ses incertitudes, ouvrir ses verrous, porter sa nudité à la connaissance de l’artiste. Parce qu’elle attend un verdict de la part de l’artiste alors que lui, n’est pas là pour juger mais pour traduire en photographie, en peinture, en sculpture, …, ce corps nu qui lui est présenté, je dirai même plus, offert.

Pour ma part, ce qui me plait dans la pose nue, ce n’est pas le physique de la modèle mais les émotions qu’elle me transmet à être nue devant moi. Chaque modèle transmet une émotion différente, en réalité, son reflet qui est, oui, unique.

Et si elle n’y réussit pas au premier coup, comme ce fut le cas d’Annick, Colette a raison, elle n’a aucune obligation, elle n’a que le temps, tout le temps qu’il lui faudra, pour y arriver. Et n’a en aucun cas à subir les railleries de l’artiste.

Un grand homme a dit : il faut laisser le temps au temps. Offrir sa nudité à un artiste, c’est tout sauf une séance d’improvisation personnelle.

Bravo à Anastasia et à Colette.

Jean-François.